Christelle de Jonghe, auditrice de justice (magistrat stagiaire), École nationale de la Magistrature, Bordeaux : Ex-sous-officier, skieuse olympique et future magistrate
A 33 ans, Christelle de Jonghe a déjà vécu plusieurs vies. Réformée de l'Armée suite à un accident, cette sportive de haut-niveau a repris ses études de droit à l'Université de Strasbourg, avec le soutien de la mission handicap, avant d'entrer à l'Ecole nationale de la Magistrature. Mue par le sens du service à la société, elle fait preuve d'une grande combativité.
Enfant, elle rêvait d’être pilote de chasse et déjà de rejoindre l'Armée, pour le service à la société, la protection générale, l'activité physique et la mobilité. « L'Armée s'imposait comme une évidence » dit-elle. Elle entre à l'École nationale des sous-officiers d'active à Saint-Maixent, après son bac en 2003. Elle passe les épreuves de l’École militaire de Saint-Cyr (qui forme les officiers), mais en raison de blessures sportives, elle exerce essentiellement comme sous-officier pendant 9 ans : maréchal des logis, chef de groupe, chef d'engin blindé (char), chef de station en unité de renseignement...
Ski de haut-niveau
Parallèlement, elle pratique le ski de haut niveau. La jeune grenobloise monte sur des skis pour la première fois à 18 mois seulement, impatiente d'accompagner ses grandes sœurs à la montagne. Passionnée et douée, elle y consacre une grande partie de son enfance et adolescence, et suit les sections de sport études dès 14 ans, jusqu'à passer le bac par correspondance pour pouvoir s'entraîner sur les pistes tous les jours. « Je ne pensais plus qu'à ça » dit-elle. Elle a même participé aux Jeux Olympiques de Turin en 2006 (descente et super géant).
Major et en fauteuil
Sa troisième vie commence en 2012, lorsqu'elle est réformée de l'Armée, suite à un accident en service qui la blesse grièvement et la prive de l'usage de ses jambes et d'un bras. Un choc, car l'Armée était sa vocation. « Ça a été difficile. Mais je voulais que le reste de ma vie et de ma carrière professionnelle soient choisis et non pas subis. Je voulais un métier stimulant, et me prouver que je pouvais me construire un nouvel avenir ». Faire de cette épreuve, non pas un échec, mais une opportunité.
Avec le soutien de sa famille, à 27 ans, elle s'inscrit à la Faculté de droit de Strasbourg, et y réussit brillamment ! Elle qui pensait échouer au premier semestre, devient major de chaque promotion jusqu'à son master 1 en 2015. « L'accueil de la Faculté a vraiment été excellent. Ils ont été bienveillants et m'ont soutenue. La mission handicap m'a beaucoup aidée, car je suivais les cours en fauteuil roulant et j'avais un handicap au bras. » Elle subit de multiples opérations pendant ses études.
Future juge d’instruction
Encore épatante, elle réussit le sélectif concours d'entrée à l’École nationale de la Magistrature en 2017, après une préparation à l'Institut d'études judiciaires, rattaché à la Faculté de droit de Strasbourg. « Je n'avais pas les moyens financiers de suivre le master 2, ni une préparation en école privée, mais j'ai réussi, grâce à mon travail et la fac ̶ uniquement le système public. Ça apporte une fierté supplémentaire ».
La magistrature représente également pour elle un moyen de servir la société, le bien commun, en plus de la stimulation intellectuelle et de la mobilité géographique et professionnelle. Elle se prépare à la fonction de magistrat : juge des enfants, des affaires familiales, juge d’instance, substitut du procureur, ou juge d'instruction… Ce sont ces deux dernières fonctions qui l’attirent le plus, pour la dimension humaine. « Le droit pénal touche à l’humain, aux comportements, à ce qu’il y a de plus profond. Je trouve la composante enquête vraiment captivante. »
« Toujours croire que c’est possible »
Aujourd'hui, elle est reconnue travailleur handicapé. Elle pratique l'apnée et la chasse sous-marine. Après 9 mois de formation à Bordeaux, elle fera son stage juridictionnel au Tribunal de Grande Instance de Saverne à partir de mars 2019. « Il faut toujours croire que c'est possible, et ne pas se mettre des limites soi-même dans sa tête. Tracer son propre chemin. Si l'on a un rêve, il faut s’y tenir et se donner les moyens » conclut-elle.
Propos recueillis par Stéphanie Robert
Dans le cadre de la Semaine Européenne pour l'emploi des personnes handicapées, le Réseau Alumni et la Mission Handicap de l'Université de Strasbourg proposent un afterwork à destination des professionnels RH le jeudi 22 novembre sur le thème "Comment mieux accueillir et intégrer une personne sourde ou malentendante en entreprise?".
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