Adrien Métivet : un chimiste au pays des brevets
« Ici, un jour vous vous occupez d’un brevet pour un médicament contre le cancer et le lendemain de celui d’un détergent ! », constate Adrien Métivet, ingénieur brevets au cabinet de propriété intellectuelle Tripoz à Lyon. Depuis trois ans, le jeune homme met son cursus de chimiste pharmaceutique au profit de clients, des entreprises de chimie, souhaitant déposer des brevets et protéger leurs innovations. Il intervient sur la stratégie du dépôt et son aspect technique : que déposer ou au contraire tenir secret ? Adrien s’occupe également du volet contrefaçon : il défend le brevet de clients attaqué au tribunal, ou l’attaque si jugé non valable par un autre client souhaitant s’installer sur le marché.
Pourtant, au départ, rien ne prédestinait Adrien à une carrière juridique. Une classe préparatoire en physique-chimie réalisée au lycée Kléber de Strasbourg et le jeune homme intègre l’Ecole nationale supérieure de Chimie, Polymères et Matériaux (ECPM) pour un cursus en chimie organique de trois ans. Fortement influencé par ses enseignants, il se dirige en 2006 vers une thèse à l’Institut de Chimie et la soutient en 2010. « Je devais synthétiser des bêta-peptides basés sur des alpha-bêta alanines et ensuite étudier leur structure », se souvient l’ingénieur. Après la thèse, il se lance dans la recherche d’un post-doc mais abandonne l’idée quand il voit une annonce d’un cabinet de brevets parisien, à la recherche d’ingénieur brevets. Se souvenant des quelques cours sur le sujet en 2e année de l’ECPM, et qui lui avaient beaucoup plu, Adrien se rend par curiosité à l’entretien et en ressort galvanisé.
Des examens de qualification français et européen qui responsabilisent
Même si au quotidien le jeune homme rédige les brevets et apporte des réponses argumentées aux notifications des examinateurs, son travail s’effectue toujours en retrait d’un collègue dit « conseil en propriété intellectuelle ». C’est lui qui porte la responsabilité des dossiers. Pour y pallier, Adrien passe l’année dernière le diplôme universitaire du Centre d'Etudes Internationales de la Propriété Intellectuelle (CEIPI) de Strasbourg dans sa version accélérée, c’est-à-dire en neuf semaines. «Une semaine par mois, j’étais en cours à Strasbourg, et le reste du temps je travaillais au cabinet Tripoz. Je préparais mes examens en grande partie sur mon temps libre. Etudier du droit et acquérir un raisonnement juridique n’est pas quelque chose à quoi, en tant que scientifique, j’étais très habitué ! » En l’état, ce diplôme ne lui apporte rien. Mais il constitue l’étape indispensable avant l’examen de qualification français (EQF) de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) et celui européen (EQE) de l’Office Européen des Brevets (OEB), accessibles au bout de trois ans d’expérience professionnelle sous la tutelle d’un « conseil » ou « mandataire ». Une fois ces examens en poche, Adrien disposera à son tour de ce statut et de son autonomie. Il se fixe cet objectif d’ici deux ou trois ans.
Un revirement professionnel sans regret
Au final, Adrien avoue ne pas regretter sa paillasse de chimiste. « Mon travail de thèse était assez répétitif. Ici, les dossiers sont variés : d’une nullité de brevet à un vol d’invention, en passant par un salarié non rémunéré pour son invention, il y a de quoi faire. Dans le domaine de la contrefaçon, il s’agit souvent de défendre des produits du quotidien, ou au contraire de les faire tomber dans le domaine public. Je trouve ça assez drôle. »
Même si Adrien apprécie le contact avec les clients, le métier demande de pouvoir s’adapter très rapidement, « Tout à coup il faut rédiger un brevet en trois jours ! », et ne laisse aucune place à l’erreur, « Si vous oubliez par exemple de répondre à une notification de l’examinateur, le brevet n’est pas validé et tombe dans le domaine public. »
Pour Adrien, le portail des Alumni est un bon moyen d’aider les étudiants dans leur orientation professionnelle. «Souvent, on pousse les étudiants vers la thèse, mais je pense que c’est une erreur. Vous ne trouvez pas forcément du travail plus facilement. Quant à ma filière actuelle, je conseillerais d’y travailler d’abord un an avant de passer le diplôme du CEIPI dans sa version accélérée. C’est le meilleur moyen de savoir si le métier vous plait réellement avant de vous y engager totalement », conclut Adrien.
Véronique Meder
Comments0
Please log in to see or add a comment
Suggested Articles