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Jeanne Cavelier, journaliste, responsable desk, Reporters sans Frontières : Le journalisme et la Russie comme fil rouge

Portraits

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10/02/2020

Formée au CUEJ (Centre universitaire d'enseignement du journalisme) de l'Université de Strasbourg, Jeanne Cavelier a été journaliste économique, pigiste, correspondante en Russie et même auteure en immersion chez les milliardaires russes... Avec la Russie comme région de prédilection, elle défend aujourd'hui la liberté de la presse chez Reporters sans Frontières.


Jeanne Cavelier a rejoint l'ONG française il y a trois mois. Responsable desk[1] Europe de l’Est et Asie centrale, elle écrit les dépêches qui alertent sur les situations de journalistes menacés, emprisonnés ou assassinés. Ces dépêches sont envoyées aux rédactions et publiées sur les supports de l'ONG (web, réseaux sociaux...). Sa mission comprend aussi le plaidoyer qui consiste à rencontrer les politiques et les autorités pour infléchir les situations qui nuisent à la liberté de la presse. Elle est aussi amenée à contribuer aux rapports de l'ONG en apportant des éléments sur la zone dont elle est chargée.

« J'ai le sentiment d'être utile à la société, à mes collègues journalistes. C'est d'autant plus important dans le contexte actuel où le métier a perdu en crédibilité, avec les fake news, les réseaux sociaux, internet... C'est très motivant d'être au cœur de ces questions. Tout en restant à Paris, je peux travailler sur ma zone de prédilection, la Russie. C'est l'idéal, une nouvelle étape dans ma carrière » dit-elle.


De Sciences Po au CUEJ

Elle a commencé à s’intéresser à la Russie par sa littérature, puis avec l'effondrement de l'URSS lorsqu'elle étudiait les sciences politiques à Rennes. « Le passage à l'économie de marché a été un traumatisme brutal pour la population, avec beaucoup de suicides, d’alcoolisme, d’émigration. Journalistiquement, c'est fascinant d'essayer de comprendre ce bouleversement, ses séquelles dans la société et l'économie... »

Après Sciences Po, la « voie royale » pour intégrer une école de journalisme, elle est reçue au CUEJ de Strasbourg en 2005. « Après cinq ans d'études théoriques, j'étais heureuse d'avoir les mains dans le cambouis. C'était un master très pro. Encadrés par des journalistes professionnels, nous écrivions tous les jours, nous avons appris la photo, la télévision, le reportage, la radio, c'était très motivant. Le CUEJ m'a aussi apporté mon réseau : des camarades de promo ou des diplômés m’ont introduite dans des rédactions » se souvient-elle. 


Ma vie chez les milliardaires russes

En 2007, elle commence comme journaliste économique aux Échos, puis dans la presse professionnelle d'entreprise. Elle devance un licenciement économique et décide d'assouvir sa curiosité et son attrait pour la Russie en partant y travailler en 2011. Pour vivre sur place, elle devient préceptrice dans une famille de milliardaires russes. Pendant 18 mois, la journaliste observe et prend des notes, et à son retour, publie un livre sous pseudonyme chez Stock, Ma vie chez les milliardaires russes. Elle y raconte avec drôlerie des anecdotes étonnantes, comme la leçon de golf donnée aux enfants... sur le yacht.

Elle revient en France pour la promotion du livre et pige pour des magazines socio-économiques avec l'idée de repartir en Russie l'année suivante. Cette fois, comme journaliste. Pendant trois ans, elle est correspondante pour L'Opinion, RTL, Radio France, Novethic, remplace ses confrères du Monde ou de Radio France pendant leurs congés... « C'était très dur, mais c'est la période où je me suis le plus épanouie professionnellement. J'ai beaucoup voyagé, j'avais un métier passionnant dans un pays que j'avais soif de découvrir » dit-elle. Elle revient en France en 2017 pour s'occuper de sa famille et travaille pour Le Monde comme rédactrice multimédia avant de rejoindre RSF.


Partir vivre et travailler à l'étranger est son conseil pour les jeunes générations. « S'insérer dans une société étrangère nous donne une autre vision du monde et nous aide pour la suite. Cultiver son réseau est aussi très important, et toujours rester en bons termes avec ses employeurs ».


[1]    Bureau en anglais. En journalisme, ce terme désigne les métiers qui s'exercent au bureau, dans les rédactions, contrairement aux reporters, sur le terrain.


Propos recueillis par Stéphanie Robert

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