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Bertrand Fritz : géothermie et chimie des milieux extrêmes

Portraits

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11/04/2014

Bertrand Fritz étudie les réactions chimiques en milieu naturel, notamment les interactions entre les fluides et la roche. Des sources thermales vosgiennes à la géothermie alsacienne, en passant par les lacs salés d’Amérique du Sud ou d’Afrique, le géochimiste est attiré par les applications industrielles et les milieux extrêmes.


« Je n’ai jamais rien programmé en termes de carrière, mais j’étais disponible quand de belles occasions se présentaient » analyse Bertrand Fritz. « Par exemple, après mon diplôme d’ingénieur, j’ai répondu à une annonce à l’école de chimie1(alors rattachée à l’Université Louis Pasteur) : ʺGéologue cherche chimiste pour une thèse en géochimieʺ. Je dois ma carrière à ce petit bout de papier affiché sur une vitrine. Puis, lorsque j’ai débuté ma carrière au CNRS, en 1977, on m’a sollicité pour partir quinze jours plus tard en prospection géothermique sur les volcans de Java. C’était ma première mission lointaine. C’est pourquoi je conseille aux étudiants d’être à l’écoute et de saisir les opportunités. »

Cet ancien scout, qui ramassait les cailloux et en remplissait la cave de ses parents, consacre sa thèse de docteur-ingénieur à la modélisation numérique de l’altération des roches et à la formation des argiles dans les sols africains. Il entre au CNRS en 1976 et continue avec une thèse d’État, toujours à l’Université de Strasbourg, sur la géothermie des sources thermales d’Alsace et celle de Plombières-les-Bains dans les Vosges. Il construit des modèles de simulation des interactions fluides-roches à partir des études de terrain. La géothermie de haute énergie, la chimie des milieux extrêmes et l’étude des minéraux argileux constituent les grands axes de sa carrière. La géochimie de l’environnement a été un thème important de son travail dans les années 80-90 avec la création de l’Observatoire de l’Environnement à Aubure.


5000 mètres sous la terre pour dénicher l’énergie du futur…
Dès la fin des années 80 et pendant plus de 20 ans, il participe au développement du projet géothermique expérimental de Soultz-sous-Forêts, en partenariat avec des industriels. Grâce à trois forages de 5000 m de profondeur, l’usine produit, depuis 2008, de l’électricité pour l’équivalent de 5000 habitants. « C’était une école de la géothermie, à la fois pour les industriels et pour les scientifiques. J’ai toujours aimé cette stimulation forte de la recherche fondamentale par des objectifs très appliqués. C’est sans doute lié à ma formation d’ingénieur. » Ce projet phare a donné naissance à d’autres projets industriels en Alsace, comme à Rittershoffen-Beinheim, et a permis de créer le LabEx G-eau-thermie-profonde. Cette plateforme réunit trois laboratoires strasbourgeois, dont le Lhyges, et deux industriels.

Ses recherches sur les argiles l’amènent également à étudier les conditions de stockage géologique des déchets radioactifs, en contrat avec l’Andra2.


De la vallée du grand rift au gigantesque salar d’Uyuni
Passionné de photo et d’alpinisme, Bertrand Fritz a la « fibre du terrain ». « Avec l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Asie, j’ai été gâté » sourit-il. Celui, que d’aucuns qualifient de « chercheur de l’extrême », étudie les interactions chimiques des eaux naturelles très concentrées. Par exemple, le lac Natron en Tanzanie ou le gigantesque salar d’Uyuni, le plus grand lac salé du monde sur les hauts plateaux boliviens. Ces paysages uniques, ces découvertes, ces émotions fortes vécues sur le terrain dans des conditions souvent difficiles restent ses souvenirs les plus marquants. « C’était passionnant. Ces sont des occasions données à quelques chercheurs. En Afrique, je travaillais en interface avec les anthropologues sur les traces des premiers hominidés dans la vallée du grand rift. Vous tenez un objet dans votre main, et vous réalisez que le dernier homme à l’avoir touché avant vous, c’était il y a plus d’un million d’années ! C’est incroyable. »

A quelques jours de la retraite, Bertrand Fritz va devenir chercheur émérite au CNRS pour terminer ses projets en cours. Trois jeunes de son équipe reprennent les chemins qu’il a initiés, comme l’étude de l’activité bactérienne pour extraire le cuivre dans les terrils des mines de cuivre chiliennes ou la prolongation des modèles numériques qu’il a construits.
 

Stéphanie Robert

[1] Actuelle ECPM (École européenne de chimie, polymères et matériaux), rattachée à l’Université de Strasbourg

[2] Agence nationale pour le stockage des déchets radioactifs

 

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