Daniel Payot, professeur émérite en philosophie de l'art, Université de Strasbourg : « Enseigner la philosophie aux étudiants en partant de ce qu’ils sont »
Docteur en philosophie de l'Université de Strasbourg, Daniel Payot y a enseigné 40 ans. Président l'Université Marc Bloch avant la fusion des trois universités, il a enseigné la philosophie de l'art à des étudiants très divers : en sciences de l’éducation, philosophie et arts plastiques, mais aussi à des élèves comédiens et scénographes, ainsi qu’en Allemagne et au Burkina Faso. Retour sur une carrière bien remplie au service de l'enseignement.
« J'adore enseigner » dit-il. « C’est ce qui m'a le plus motivé dans ma carrière. L'enseignement devient passionnant quand on met toute son énergie pour satisfaire le besoin des étudiants avec une certaine exigence. On n’enseigne pas pour soi-même mais pour initier des jeunes en partant de ce qu'ils savent et de ce qu'ils sont. J'ai beaucoup aimé enseigner à des étudiants de disciplines et d'origines différentes » raconte le professeur émérite.
Après sa maîtrise de philosophie à Strasbourg en 1975, il obtient le CAPES et l'agrégation en 1976. Il commence à enseigner à l’École Normale d'Instituteurs à Épinal puis à l'Université de Strasbourg, tout en préparant son DEA et son doctorat en 1980. Dans sa thèse, il s'intéresse au lien entre philosophie et architecture, à la manière dont on peut rapprocher la construction philosophique du métier d'architecte. Son texte a donné lieu à la publication de son premier livre, Le philosophe et l'architecte en 1982. Onze autres livres suivront jusqu'en 2018.
Philosophie, arts plastiques, théâtre
Il devient maître de conférences à l'Université de Strasbourg en 1986 et enseigne la philosophie de l'art et la philosophie générale en licence et master de philosophie, et l'esthétique en licence et master d'arts plastiques. « Il s'agissait pour moi de leur enseigner comment penser la pratique artistique. J'ai mis en place ma méthode d'enseignement : travailler à partir des textes plutôt que sur des grandes idées » précise-t-il. Parallèlement, il enseigne aussi aux élèves comédiens et scénographes du Théâtre National de Strasbourg en 1984-85 et de 1990 à 1994. « Là aussi, je devais trouver le ton pour les intéresser. Mon but était de les amener à réfléchir par eux-mêmes, vers une certaine réflexivité ».
Freiburg et Ouagadougou
De 1992 à 1998, il est professeur invité à l'Université de Freiburg. Il enseigne aux étudiants allemands l'histoire de la pensée française et de l'art au 20e siècle. De 1998 à 2002, souhaitant poursuivre son investissement dans l'institution, il prend la présidence de l'Université Marc Bloch. Des relations de coopération avec le Burkina Faso lui donnent envie de partir y agir. Pendant 4 ans, il est responsable d'un projet de coopération pour le Ministère des Affaires étrangères, tout en enseignant l'esthétique et la philosophie de l'art à l'Université de Ouagadougou. « C'était une expérience humaine formidable. Après mon retour en France en 2007, j'ai continué d'y enseigner en master de philosophie 10 jours par an, jusqu'à aujourd'hui ». Il publie un livre, L'art africain entre silence et promesse.
Comment la pensée se construit-t-elle ?
En matière de recherche, son livre paru en 1982 lui vaut une reconnaissance dans les réseaux des écoles d'architecture. Il commence ses travaux dans le laboratoire « Formes, présentations, présences » de Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe. Il s'intéresse à la construction de la pensée philosophique contemporaine et à l'écriture philosophique, en particulier en lien avec des réflexions artistiques. Depuis quelques années, il étudie le philosophe et musicien Adorno.
« Étudiant, un métier collectif »
Aux étudiants qu'il connaît bien, il recommande de se prémunir d'une certaine solitude, source de difficultés, et de profiter de tous les dispositifs et groupes, telles que les promotions, les écoles doctorales, les communautés, les collectifs. « On doit faire ses preuves individuellement mais étudiant est aussi un métier collectif. Compenser cette logique solitaire par le meilleur bénéfice que l'on peut tirer de la collectivité, ça me plaît beaucoup ».
Propos recueillis par Stéphanie Robert
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