Jean-Eric Ghia, chercheur en neuro-gastroentérologie : "Le passeur de sciences"
Jean-Eric Ghia, alumnus de l’Université de Strasbourg, est sans doute plus connu à l’étranger que dans son pays natal. En effet, ce chercheur en neuro-gastroentérologie au Canada est aujourd’hui la voix francophone de la vulgarisation scientifique manitobaine. Retours sur un parcours mouvementé qui, somme toute, aura tenu à peu de choses.
C’est par Skype que doit s’effectuer le contact avec le professeur Jean-Eric Ghia : en effet, cet ancien élève de l’Université Louis Pasteur à Strasbourg est littéralement allé loin. Il est aujourd’hui chercheur en neuro-gastroentérologie à l’Université du Manitoba, à Winnipeg, et anime également plusieurs émissions de vulgarisation scientifique à la radio et à la télévision. Visiblement à l’aise dans l’interview, il accueille avec un sourire les questions sur le parcours qui l’a amené à ce stade.
Jean-Eric Ghia naît et grandit à Freyming-Merlebach, une commune en Moselle proche de la frontière allemande. Dans son enfance, son grand-père lui offre pour sa communion un microscope avec un kit d’observation complet, y compris lames et éosine : c’est là que débute son intérêt pour les sciences. Avec cet objet, le petit Jean-Eric observe tout et n’importe quoi. Il regarde aussi beaucoup l’émission télévisée Il était une fois … la Vie, qui nourrit son intérêt naissant pour la biologie.
Un départ difficile
Malgré cet intérêt, Jean-Eric rencontre bien des difficultés en biologie à l’école : sa première note au collège est un zéro, et si cet échec initial le pousse à redresser la barre momentanément, la chose se reproduit au lycée. « Moi et la biologie, on n’était pas très copains, » explique le chercheur. En terminale cependant, c’est le déclic : « J’ai eu un prof super, qui m’a vraiment fait aimer la biologie. J’ai eu une révélation, ça m’a passionné – je suis passé du milieu de peloton à premier de la classe. »
Visant à devenir chercheur, Ghia entre ensuite à l’Université Louis Pasteur à Strasbourg : il passe de la médecine à un DEUG de biologie, sans grande passion – jusqu’à sa maîtrise de pharmacologie, où soudainement il excelle : « Je pense que c’est le fait de faire quelque chose de plus spécifique, quelque chose qu’on aime. » Il se réoriente ensuite vers un DEA de neuroscience, au cours duquel il trouvera finalement sa vocation.
« Ça tient juste à vouloir être différent des autres »
À cette époque, la biologie moléculaire est en plein essor. En fin de master, Jean-Eric se trouve noyé par les offres de stage dans ce domaine : il s’oriente alors vers un choix moins orthodoxe, un stage en neuro-gastroentérologie portant sur les contractions musculaires de l’appareil digestif. « Je me suis dit : tous les autres vont arriver avec l’expression du gène dans le cerveau, l’expression du gène dans tel ou tel système, nous on va faire quelque chose de différent. » En fin de compte, il se trouvera à l’aise dans le domaine et y restera.
La voix de la recherche au Manitoba – et ailleurs …
Enfant, Jean-Eric utilisait déjà un radiocassette pour s’enregistrer avec ses amis et faisait du théâtre au Conservatoire dramatique ; c’est toutefois au Manitoba que, suite à l’écoute d’une émission sur la biologie animale, l’idée de se lancer dans la vulgarisation scientifique prend racine. Une rencontre purement fortuite avec le présentateur du journal de six heures, Louis-Philippe Leblanc, et le premier chef des contenus, Patrick Rey, la met en œuvre : « Je me suis retrouvé à recevoir un coup de fil la première semaine de septembre – le jeudi – pour me dire, voilà, vous commencez lundi matin. » Manquant au départ d’idées comme de confiance, Jean-Eric se met au travail avec carte blanche.
Quelques années plus tard, il est responsable de trois chroniques sur la recherche – Des Eprouvettes et des Hommes, toutes les deux semaines sur Radio-Canada Première Manitoba, Qu’est-ce qu’on cherche ?, une chronique mensuelle télévisée, et la chronique scientifique dans Les éclaireurs, un talk-show d’échelle nationale. Cependant, Jean-Eric considère toujours la recherche comme son champ d’activité principal. Il estime même qu’un bon vulgarisateur doit rester dans le laboratoire, et qu’un bon scientifique se doit de faire de la vulgarisation : « C’est notre devoir de scientifique de vanter la science, et un bon scientifique doit parler au public, expliquer pourquoi sa science est importante. » Lui, bien sûr, le fait pour les autres : « Je suis le passeur, » avance-t-il, « celui qui prend la science des autres et l’explique. » Et si son agenda s’en trouve chargé – il écrit ses émissions principalement sur son temps libre – le professeur Ghia n’en est pas moins reconnaissant de l’opportunité qui lui est offerte de se faire l’avocat francophone de la recherche au Canada.
Propos recueillis par Simon Bourdin
Étudiant Master communication scientifique 2017/2018
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