Retour Break RH 2025 : « Faut-il en finir avec le travail ? »
Le 25 mars, le réseau Alumni a réuni professionnels des ressources humaines et responsables de diplômes de l’université de Strasbourg sur la thématique de la fin du travail. Ce débat, qui touche à la fois l’évolution des modèles sociaux et économiques, ainsi que la place de l’humain dans un monde de plus en plus automatisé, a été marqué par deux interventions.
Arnaud Tomès : La fin du travail est-elle possible ?
La matinée a débuté avec une intervention d’Arnaud Tomès, philosophe et membre du Centre de recherche en philosophie allemande et contemporaine (CRePhAC). Il a abordé la fin du travail, un thème aussi vieux que le monde, mais qui revient régulièrement dans les débats contemporains. Mythe ou fantasme… Serait-il le temps de faire le deuil de cette idéologie ?
Redéfinir le travail à l’ère technologique
Tomès a cité Nick Bostrom, qui prône la fin du travail au profit d’un monde dans lequel les humains remplaceraient leur besoin de travailler par des activités plus épanouissantes : les hobbies. Cependant, cette utopie soulève des questions cruciales : que reste-t-il de la valeur sociale au travail ? D’après certains économistes, comme Jeremy Rifkin, la troisième révolution industrielle, avec les nouvelles technologies, comme l’avancée de l’IA, pourrait entraîner une réduction du temps de travail, entrainant ainsi une augmentation des tiers secteurs, orientés vers le bien-être collectif.
Une réflexion essentielle de son intervention a porté sur le fait que ce qui était considéré comme du travail dans le passé est aujourd’hui devenu des loisirs pour de nombreuses personnes. Par exemple, à l’époque des chasseurs-cueilleurs, la chasse était une activité totalement différente qu’à l’époque actuelle. La création artistique, bien qu’existant toujours en tant que profession, est aujourd’hui bien plus rependue sous forme de hobby qu’elle ne l’était autrefois.
Alors ? Mythe ou réalité ?
Il semble difficile d’imaginer la disparition totale du travail dit « classique », salarié, dans un avenir proche. Même si de nombreuses personnes souhaitent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, avec un travail occupant une place moins centrale dans leur vie, la majorité trouve encore du sens dans ce qu’elles font. Par ailleurs, la montée de l’intelligence artificielle et son impact sur les conditions de travail soulèvent des inquiétudes, notamment avec un développement des tâches répétitives au travail.
Eva Jacob : le revenu universel Quèsaco ?
Après cette réflexion philosophique, Eva Jacob, doctorante au bureau d’économie théorique et appliquée, a présenté ses travaux sur le revenu universel. Ce concept consiste en un versement d’argent à chaque individu. Il pourrait être une solution, selon certains, pour contribuer à la fin du travail tel que nous le connaissions. Ce système pourrait permettre de donner plus de liberté aux individus, en leur offrant la possibilité de se former, de changer de voie ou encore de se lancer dans l’entrepreneuriat sans crainte de précarité.
Philippe Van Parijs, un des pères du revenu universel, pense que celui-ci ne marquerait pas la fin du travail, mais offrirait plutôt la possibilité de maximiser les opportunités pour tous. Toutefois, certains, comme John Rawls, estiment injuste la rémunération de ceux qui ne contribuent pas directement à la société.
Des expérimentations concrètes du revenu universel
Plusieurs expériences de revenu universel ont eu lieu à travers le monde, chacune ayant montré des effets différents sur la population visée :
Cherokee : Un revenu universel de 4 000$ par an a permis d’améliorer l’éducation et de réduire la criminalité
Finlande : Un test auprès des chômeurs, avec un versement de 560€ par mois, a permis d’améliorer le bien-être général des bénéficiaires et de renforcer leur confiance en eux et en la société.
Alaska : En 2024, le versement annuel de 1 702$ a conduit à plus de travail à temps partiel, cependant, cela n’a pas modifié la participation au marché du travail.
La question cruciale demeure le financement du revenu universel. Si la théorie semble séduisante, les mécanismes de financement restent flous. L’alternative serait le revenu universel partiel au montant moins élevé qui ne serait pas assez pour vivre, afin de limiter les coûts.
Perspectives d’avenir
L’évènement s’est clôturé par un moment de réseautage, où les recruteurs et les membres de l’Université de Strasbourg ont pu échanger autour d’un café sur des questions de société telles que le rapport au travail des jeunes générations, le travail domestique ou encore les principales attentes des salariés. Si la fin du travail est encore loin d’être une réalité, il est indéniable que la technologie influence profondément notre perception du travail. Au-delà de ces réflexions collectives, chacun a pu se confronter à une question plus intime : devons-nous réinventer notre rapport au travail ou l’adapter sur les nouveaux enjeux du XXIe siècle ?

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