Gérer les conflits au travail : la médiation, un outil puissant
Compte-rendu de l'afterwork du 15 mars animé par Sylvie Mischo Fleury
Pour découvrir la médiation en tant que mode alternatif de résolution de conflits, un outil puissant pour la gestion des conflits au travail, il nous faut comprendre qui est l’être humain en conflit et saisir si le conflit peut être vécu comme une destruction ou une opportunité.
Le conflit, c'est une tension normale entre opposés
… comme une polarité qui assure le maintien de l’équilibre de la vie, comme une force d’attraction/aversion, sympathie/antipathie…
L’être humain vit, perçoit, réagit en fonction de ses capacités d’ouverture, d’exploration, conceptualisation, son éducation, ses valeurs, son système de croyances, ses a priori, ses besoins fondamentaux, sa culture, etc. Ainsi il élabore sa carte du monde qui n’est évidemment pas celle du territoire.
Notre communication se fait à travers l’image que l’on se fait de nous-même, de l’autre et de l’image que l’autre se fait de lui-même et de l’autre… Nous devons interroger la façon dont les personnes gèrent ces différences et perceptions.
perception – pensée – émotions – volonté (et valeurs) – comportement (et communication).
Vivre et travailler ensemble c’est risquer le conflit
Le monde professionnel est un lieu où les intérêts convergent et divergent créant nombre de facteurs de risques. C’est un terreau fertile pour les conflits.De fait, une étude (Focus RH mai 2021) indique que 85% des salariés sont confrontés régulièrement à un conflit au travail. Une autre étude d’octobre 2021 (Opinion Way ) précise qu’un mois de travail par an est perdu en conflit au travail. Traduit en coût salarial le temps passé à composer avec les situations de conflit équivaut à plusieurs milliards d’euros chaque année.
Le conflit, une opportunité de changement
Le conflit peut être source de richesse, un levier de création de valeurs, une source d’innovation et d’adaptation au changement, par exemple en prévention, en amont d’un changement, pour éviter toute aggravation. Cela demande une approche-médiation et un travail d’écoute réciproque, attentive.
Pour travailler sur les facteurs de risques, en contrôler l’escalade, l’effet de cristallisation du conflit, il faut négocier, donc faire entrer l’autre dans notre espace personnel.
Il faut savoir que nous passons 80% de notre temps à négocier sans forcément nous en rendre compte s’agissant de tensions du quotidien. Nous prenons en moyenne 20 % de décisions seuls.
Nous avons 4 alternatives de comportement dans des situations de tensions :
Flight : fuir (éviter, désengagement, AT…)
Freeze : rester paralysé (soumission à la norme au détriment de l’engagement, de la motivation…)
Fight : attaque (surenchère, escalade…)
Flow : c’est là toute la dynamique de la médiation, dialogue, communication, recherche de solutions, négociation.
Résoudre le conflit en choisissant la médiation
Petit rappel réglementaire : l’employeur est tenu de respecter la loi sur la responsabilité sociétale de l’entreprise et donc la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques au cœur des activités et vis-à-vis de tous les salariés.
En cas de tensions, il est important de pouvoir saisir les instances de prévention et d’en parler avec ceux qui peuvent aider : la médecine du travail, le/la psychologue du travail, le CSE, les délégués du personnels, les RH, etc.
Nous consacrons en moyenne 1/3 de notre temps à lever des obstacles dans les décisions à prendre. Les facteurs de risques sont là.
En cas de nécessité, le DRH, par exemple, peut solliciter un médiateur externe à l’entreprise tant en situation de prévention de projet que de gestion de conflit.
La médiation n’est pas une conciliation ni un arbitrage
La médiation, c’est un mode amiable de résolution de conflit, une alternative à la justice. C’est un processus structuré, avec un cadre précis et des règles.
Il existe des médiateurs à un niveau institutionnel (médiateur de la consommation, du crédit, des banques, assurances, défenseur des droits, médiateur des entreprises pour les conflits inter-entreprises, etc.).
La médiation touche tous les domaines de la vie (famille, voisinage, administrations, santé, scolaire, etc.). Elle peut être judiciaire ou conventionnelle.
Le but est que 2 ou plusieurs parties en conflit se rencontrent et travaillent – lors d’entretiens confidentiels avec le médiateur - à parvenir à un accord mutuellement satisfaisant pour régler leur différend.
La médiation repose sur l’autonomie et la responsabilité des participants, avec la liberté d’aller au bout ou de quitter la médiation si cela ne convient plus du tout.
Qu’est-ce qu’un médiateur
Un médiateur est un professionnel diplômé (minimum de 200h de formation + obligation de formation continue). Dans le respect du code de déontologie auquel il adhère, il est impartial, neutre, indépendant et veille au bon équilibre du processus pour permettre la communication, la création ou le rétablissement, la gestion du lien social, le règlement de la situation. Il n’a pas de pouvoir décisionnel. Il vérifie que les décisions mutuellement satisfaisantes. Le médiateur ne choisit pas la ou les solutions. Il va questionner le choix des parties de façon à ce que chacune comprenne bien les tenants et aboutissants des décisions.
Le processus-type de médiation
- Le DRH a proposé la médiation aux personnes concernées. Il sollicite un médiateur externe.
- Entretien prescripteur DRH/médiateur.
- Signature d’une convention de médiation.
- Les personnes en conflit sont contactées par le médiateur (quelques informations par téléphone).
- Proposition d’agenda pour les entretiens.
- Mise en place des entretiens préliminaires individuels avec chaque partie (souvent d’une durée de 2H).
- Médiations plénières (1 ou plus).
- Travail sur les faits, positions, besoins, intérêts. Recherche et travail sur une définition commune du problème (le conflit de l’un n’est pas forcément le conflit de l’autre).
- Recherches et propositions de solutions mutuellement satisfaisantes.
- Accord ou non accord
- Envoi d’un compte-rendu au prescripteur de la médiation (la confidentialité des entretiens est respectée). Il est possible aux parties de décider, d’un commun accord, de déconfidentialiser certains points pour informer la direction de l’entreprise, par exemple, de certains besoins.
- Il est possible de travailler avec un co-médiateur, particulièrement en cas de médiation collective (regards croisés importants).
- A la fin, le médiateur peut proposer un suivi de la médiation. Cela peut être à distance de 2, 3 ou 6 mois. Il est parfois utile de se revoir, de clarifier certains points pour valider la mise en place des solutions.
Sur quoi repose la médiation ?
Chaque médiateur formé, diplômé, a son approche personnelle quant au recueil des données, à l’analyse, la gestion et résolution du conflit. Il conduit la médiation avec des techniques, outils éprouvés, dont ceux de la Communication Non Violente, différentes approches de questionnement, l’écoute active, la reformulation, etc.
Les avantages de la médiation
- Résoudre les blocages, retards, la démotivation, l’absentéisme, la mauvaise pub pour l’entreprise générés par les conflits
- Diminuer les tensions car l’on peut mettre des mots sur les émotions
- C’est le droit à la parole et à la liberté de décision car en justice c’est l’avocat qui parle. C’est pouvoir se poser et exprimer ce qui ne va pas
- Vivre la médiation même sans accord à tout de même des bienfaits grâce au cadre qui amène à s’interroger et à communiquer avec respect
- Rappel de l’axe RSE : obligation de respecter le bien-être du salarié. En cas de signalement d’une souffrance, le DRH a obligation de se renseigner sur les solutions possibles (L.4121-1 du code du travail sur l'obligation de prévention de l'employeur).
La médiation, ce sont des plus-values certaines pour l’entreprise : temps, coût, liberté de décision, confidentialité, relation , prévention…
Questions/réponses
- Situation d’abus de travail : comment la médiation se fait ?
En cas de signalement auprès de la hiérarchie, il doit y avoir enquête de l’employeur, impartiale et confidentielle. Le code du travail prévoit (article L1152-6) qu’une procédure de médiation peut être engagée.
Le médiateur peut accompagner l’entreprise et les personnes concernées afin que chacun puisse être entendu, avec humanité et équitablement.Importance particulière des entretiens préliminaires individuels pour l’évaluation de la situation et la mise en place, ou pas, de la médiation.
La personne difficile peut-elle être excusée ?
Les conditions de la médiation peuvent ne pas être réunies s’il y a une pathologie psychiatrique, menaces de violences (physiques, verbales), comportements inappropriés, etc. D’où l’importance de l’entretien préliminaire (2H) pour évaluer, analyser la situation.
Les parties peuvent décider de quitter la médiation. Le médiateur peut décider d’arrêter le processus de médiation si la situation est telle qu’il est impossible de continuer. Le médiateur peut s’en expliquer en aparté avec chacun de même qu’en plénière avec tous.
Le médiateur envoie un compte-rendu (confidentiel) de fin de mission au DRH.
Ressources : les travaux et livres de Marie Parker Follet
Propos de Sylvie Mischo Fleury recueillis par Laetitia Sciacca
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