Daniel Schmitt : l’expérience vécue comme connaissance
L’Université de Strasbourg s’engage dans la mise en place du réseau Alumni, qu'en pensez-vous ?
C’est une excellente idée. Disposer d’un lieu tiers, qui ne soit ni l’entreprise ni l’université dans son face à face enseignant-étudiant, où la parole est libre et l’expérience vécue comme une connaissance, constitue une nécessité absolue. L’université doit préparer ses étudiants à un avenir professionnel et leur entrée dans la vie active. Les questions que l’on se pose alors ne sont pas forcément celles que l’on se posait étudiant. Le savoir académique n’en rend pourtant pas compte. Il faut donc un lieu pour échanger sur les pratiques professionnelles et le savoir expérientiel.
Qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre une thèse et qu’a changé le doctorat dans votre quotidien professionnel ?
Je travaille depuis 25 ans dans la muséographie. Au cours du temps ont émergé chez moi des questions concernant ma pratique professionnelle. Je m’interrogeais sur la possibilité d’avoir accès à la cognition d’un visiteur, savoir ce qu’il pense au cours de sa visite d’un musée, sans casser la dynamique du vécu. Comme il n’existait pas de réponses disponibles sur le marché du savoir, dans le champ de mon activité, j’ai entrepris cette thèse. Elle a aujourd’hui radicalement changé mon point de vue. Désormais, mes confrères et moi disposons d’une meilleure compréhension de la cognition, du ressenti corporel et des enchainements émotionnels des visiteurs. Les expositions ne sont plus conçues au moyen de grands modèles archétypiques de visiteurs. Nous y avons introduit des degrés de vraisemblances et par-là une certaine incertitude. Celle-ci nous a étonnamment libérés et recentrés sur nous-mêmes et notre intention, sincère et généreuse, de « faire comprendre ».
Quel souvenir marquant vous reste-t-il de votre parcours d’étudiant à l’Université de Strasbourg ?
L’accompagnement de ma thèse reste l’un des meilleurs souvenirs de ma vie. Mes directeurs de recherche m’ont laissé une grande liberté d’action, tout en me posant les bonnes questions, de celles qui vous ébranlent sur l’instant mais vous font avancer dans votre travail de recherche. Nos rencontres mensuelles demeureront des moments de bonheur intellectuel et de construction de savoirs très forts. Des moments rares dans une vie.
Qu’attendriez-vous d’un réseau tel que le réseau Alumni et que seriez-vous prêt à lui apporter ?
Je souhaite que ce réseau débouche sur une rencontre entre jeunes et moins jeunes et voit le partage de l’expérience acquise, cette connaissance construite à partir d’une pratique quotidienne. Je suis persuadé que les nouveaux doctorants rencontrent des problématiques et développent des méthodologies nouvelles dont je peux m’enrichir. Le réseau Alumni, c’est également une manière de fédérer des anciens étudiants autour d’une dynamique de soutien financier pour des projets de recherche. Comme une sorte d’obligation morale de rendre à l’Université tout ce qu’elle nous a apporté.
Véronique Meder
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