Le jour où se figera le battement d'aile du dernier papillon, le jour où retentira l'ultime trille d'un oiseau, le jour où s'éteindra le dernier homme, la Terre redeviendra silencieuse.
Un scénario de science-fiction ?
Certes, mais non dénué de pertinence. Aujourd'hui, il trouve un écho dans la disparition accélérée des espèces vivantes et dans le dérèglement climatique qui l'accompagne. La Terre s'achemine vers une crise majeure, la 6ème de son histoire.
Le cours des temps géologiques est, en effet, jalonné d'événements de décimations massives des faunes et des flores. Il en fut ainsi il y a environ 250 millions d'années, à la fin de l'ère primaire, lorsque disparaissent près de 90 % des espèces marines et 70 % des espèces terrestres. Cette crise majeure, la 3ème de l'histoire de la Terre, est consécutive à un dérèglement climatique global induit par une prodigieuse activité volcanique. Le rejet massif de cendres volcaniques dans l'atmosphère intercepte le rayonnement solaire et plonge la surface du globe dans une nuit durable. La végétation dépérît, entrainant dans la mort les animaux herbivores et leurs prédateurs carnivores. En outre, l'émission de gaz à effet de serre, tels le dioxyde de carbone et le méthane, contribue à accroitre de 6 à 8 degrés la température moyenne du globe, générant de gigantesques incendies.
Un scénario similaire se répète il y a 65 millions d'années, à la fin de l'ère secondaire. Au cours de cette 5ème crise majeure, s'éteignent près de 75 % des espèces vivantes dont les dinosaures. Aux effets de l'activité volcanique s'ajoutent ceux de l'impact d'une météorite d'une dizaine de km de diamètre, à l'origine de tsunamis et d'incendies d'une ampleur inusitée. Certains scientifiques ont évoqué la possibilité que la disparition des dinosaures pouvait résulter d'une pandémie virale.
La 6ème crise majeure de l'histoire de la Terre, en cours depuis environ 2,5 millions d'années, caractérise l'ère quaternaire. La crise est déclenchée par un dérèglement climatique global, l'entrée dans un âge de glaciations. Celui-ci se traduit par une alternance maintes fois répétée de phases de froids rigoureux, les périodes glaciaires, et de phases de réchauffement climatique, les périodes interglaciaires. Leurs durées se mesurent en dizaines voire en centaines de milliers d'années. Le monde vivant s'en trouve déstabilisé. Bon nombre d'êtres vivants s'éteignent. Ainsi en fut-il du mammouth. L'humanité faillit figurer parmi les victimes. Mais l'homme fit front. Il inventa l'outil et apprit à maitriser le feu.
La dernière période interglaciaire débuta il y a 12 000 ans. Nous la vivons. Elle se singularise par un essor sans précédant de l'humanité. Les multiples activités humaines génèrent des émissions croissantes de gaz à effet de serre, contribuant à amplifier le réchauffement climatique. La dégradation des paysages et des extinctions d'espèces vivantes s'accélère. La responsabilité de l'homme est clairement engagée.
Nul ne saurait prévoir quand s'achèvera l'actuelle période de réchauffement climatique, ni quand se déclenchera un nouvel âge de glaciations.
Mais d'ici là, qu'en sera-t-il advenu de l'humanité ?
Lorsque l'âge de glaciations aura pris fin, s'ouvrira une longue période de reconquête des environnements sinistrés. La restauration de la biodiversité sera l'œuvre des rescapés de la 6ème crise. S'y joindra l'éclosion de nouveaux partenaires, de nouvelles espèces vivantes. La vie ne capitule jamais.
Jean-Claude Gall
Paléontologue
Ambassadeur du Réseau Alumni Unistra 2018/2019
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